Il y a 20 ans, on utilisait encore des disquettes pour sauvegarder nos fichiers… Aujourd’hui, on a le “cloud”. Mais notre corps, lui, a toujours son propre système de sauvegarde : il garde en mémoire certaines expériences, parfois longtemps après qu’elles soient passées. En 20 ans de pratique comme massothérapeute, j’ai souvent entendu mes clients me dire :
« Je ne comprends pas… tout allait bien, et tout à coup, mon corps s’est mis à réagir. »
Parfois, une douleur ancienne refait surface. Parfois, une émotion enfouie émerge au moment d’un soin.
C’est ce qu’on appelle la mémoire tissulaire. Une notion fascinante qui montre que notre corps n’est pas seulement un assemblage de muscles et d’articulations, mais aussi un véritable coffre-fort de nos expériences.
1. Qu’est-ce que la mémoire tissulaire?
La mémoire tissulaire désigne l’idée que nos tissus – muscles, fascias, articulations – gardent une trace des événements que nous avons vécus.
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Un accident.
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Une chirurgie.
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Un choc émotionnel intense.
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Un stress répété au quotidien.
Ces expériences ne laissent pas seulement des marques visibles (cicatrices, tensions). Elles peuvent aussi imprimer une forme de mémoire corporelle.
Concrètement, cela veut dire que le corps peut « se souvenir » bien après que la blessure soit guérie ou que l’événement soit passé.
2. Quand le corps parle à la place de la tête
Nous avons parfois l’impression que l’esprit oublie, mais que le corps, lui, continue de porter le poids.
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Une épaule qui se contracte dès que revient un souvenir de stress.
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Un ventre qui se noue devant une situation similaire à un ancien traumatisme.
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Des tensions qui persistent sans raison médicale claire.
La science explore encore ce phénomène, mais ce que l’on sait déjà : le système nerveux, les hormones du stress et les tissus conjonctifs comme les fascias jouent un rôle central dans cette mémoire corporelle.
3. Quand la massothérapie réveille des souvenirs
Dans ma pratique, il arrive qu’un soin réveille une émotion inattendue : un client peut ressentir une tristesse, une colère ou une libération sans même savoir d’où elle vient.
Ce n’est pas de la magie. C’est simplement que le relâchement physique permet parfois au corps de « relâcher » aussi une charge émotionnelle. Le toucher agit comme une clé qui ouvre une porte restée verrouillée.
Ce que ça change pour vous : il est normal que le corps réagisse de façon émotionnelle pendant ou après un massage. C’est même souvent un signe que quelque chose se dénoue en profondeur.
4. La mémoire tissulaire et la douleur persistante
Il arrive qu’une douleur persiste, même après la guérison complète d’une blessure. Une entorse ancienne, une cicatrice, un accident de voiture peuvent laisser une empreinte.
La mémoire tissulaire pourrait expliquer pourquoi le corps garde certaines zones « en alerte », comme si l’événement pouvait revenir. C’est un peu comme si le système avait enregistré : « Attention, danger ici », et qu’il n’arrivait pas à effacer le message.
Libérer les tissus, réapprendre au corps à bouger sans crainte et apaiser le système nerveux permet souvent de diminuer ces douleurs.
5. Comment apprivoiser cette mémoire
La bonne nouvelle, c’est que la mémoire tissulaire n’est pas une condamnation. Elle peut être réécrite, apaisée, transformée.
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Par le mouvement progressif.
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Par la respiration consciente.
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Par des approches corporelles comme la massothérapie, qui redonnent confiance au corps.
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Parfois, en combinant le travail corporel à un suivi psychologique pour mettre des mots sur ce qui a été vécu.
6. Mon expérience personnelle : quand le corps garde une posture en mémoire
En 2016, j’ai moi-même vécu une triple fracture accompagnée d’une capsulite à l’épaule. Pendant plusieurs mois, mon bras est resté replié et collé contre mon corps, simplement parce que c’était la seule position possible et tolérable à ce moment-là. Cette immobilisation forcée est devenue ma nouvelle « normalité ».
Aujourd’hui encore, près de dix ans plus tard, il m’arrive de me surprendre à reprendre exactement cette même posture, sans aucune raison apparente. Même en l’absence de douleur, mon corps revient spontanément à cette position de protection.
Pourquoi? Parce que le corps enregistre.
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Les tissus (muscles, fascias, capsules articulaires) se sont adaptés à cette posture prolongée. Ils ont « appris » à se tenir de cette façon.
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Le système nerveux, lui, a mémorisé cette position comme une stratégie de survie : « Si tu gardes ton bras près du corps, tu seras en sécurité ».
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Avec le temps, cette combinaison devient un réflexe inconscient. Le corps, par habitude, réactive ce schéma même lorsque la blessure est guérie.
C’est un parfait exemple de mémoire tissulaire : une trace corporelle qui dépasse la simple guérison physique. Le geste ou la posture persiste, non pas parce que le corps est encore blessé, mais parce qu’il a enregistré cette façon de se protéger comme un automatisme.
Ce que ça illustre : nous ne sommes pas seulement façonnés par nos muscles et nos os, mais aussi par nos expériences. Et ces expériences laissent des empreintes réelles dans notre façon de bouger, de nous tenir, parfois même de réagir aux situations du quotidien.
Conclusion
Votre corps garde des traces de votre histoire. Ces mémoires peuvent se manifester sous forme de tensions, de douleurs, ou même d’émotions qui émergent sans prévenir.
La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’accompagner ce corps dans son processus de libération. La massothérapie, par son toucher attentif et profond, peut devenir un outil pour aider les tissus à « lâcher prise » et permettre au corps – et à l’esprit – d’aller de l’avant.
Si vous sentez que certaines tensions ou émotions reviennent sans raison apparente, il se pourrait que votre corps garde en mémoire plus que vous ne croyez. Prenez rendez-vous : ensemble, nous pouvons travailler à libérer ce que votre corps a besoin de déposer.

